Carl Ling, chroniques littéraires

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Les premières critiques de Carl Ling sur Goodreads n’avaient au premier abord rien de différent des autres parodies de critiques amateurs: un utilitatisme terre à terre, une attention exagérée au sens supposément crypté de la couleur des couvertures, aux tailles de polices de caractères et une lecture en dérapage constant qui peut faire prendre un recueil de poésie pour un roman. Mais petit à petit des éléments complètement singuliers se sont dégagés et sont venus tisser des fictions déroutantes à partir d’éléments des textes. On n’est plus alors tout à fait dans la parodie, mais dans un collage hybride et schizophrénique qui n’a aucun équivalent. Jusqu’à Carl Ling, la critique-fiction n’était jamais allée beaucoup plus loin que la construction d’hétéronymes et de personnages destinés à illustrer un point de vue divergent. C’est comme si elle venait véritablement au monde.

Une démarche aussi singulière pourrait assurément valoir pour elle-même puisque rien ne ressemble aux textes de Carl Ling. Mais elle pointe vers quelque chose de plus important. Nous vivons un moment étrange de l’histoire de l’écriture. Même si les textes de fiction foisonnent ils sont tout de même noyés par la communication écrite et perdent par là le pouvoir qu’ils ont déjà eu. Et la critique consciencieuse a en même temps presque complètement disparue, disparue des journaux, reléguées à des plateformes qui n’arrivent pas à durer. Mais la singularité de l’expérience de lecture reste. Nous sommes constamment marqués par des lectures sans toujours trouver le moyen de partager cette singularité. C’est peut-être ce chemin que cherche la critique de Carl Ling, à travers une création qui aurait trouvé un lopin littéraire abandonné entre les ouvrages de fiction et leur critique. Une critique qui ne raconterait pas l’expérience de lecture, mais transcrirait son intensité dans un langage singulier, baroque.

Carl Ling, Chroniques littéraires, sur goodreads.com et poemesale.com